Extraits :
"La Guérison appartient donc à la catégorie de la fiction d'auteur, comme, entre autres exemples contemporains, Las Vidas escritas de J.Marias, Rimbaud le Fils de Michon, ou Le Roman de Monsieur Molière de Boulgakov. En effet, l'autobiographie fictive est indissociable de la fiction, d'abord parce qu'elle autorise une invention de l'auteur historique, ensuite parce que le genre même de l'autobiographie fictive découle de l'œuvre de Dante, enfin parce qu'elle semble réparer l'absence de l'auteur qui révèle et son intimité et le sens de son œuvre. (…) Ensuite, la représentation autobiographique de Dante découle ici évidemment de son œuvre plus que de toute autre source historique. La fiction de Dante écrite par R.Gac est donc dans un rapport hypertextuelle et intertextuel à l'œuvre de Dante : sur un plan générique, le choix même d'écrire une autobiographie fictive fait référence à La Divine Comédie mais aussi à la Vita Nuova. Sur un plan structurel, l'œuvre de Dante réincarné fonde l'organisation de La Guérison : les aventures de Dante réincarné suivent la composition tripartite de La Divine Comédie.
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Le Dante qui nous est donné à voir est donc le fils autant que le père de son œuvre et, selon la formule de Puech (2000:7), sa vie devient "un des tomes de son œuvre complète" tant le récit de Gac pourrait être écrit par Dante. Le choix de l'autobiographie renforce évidemment cette impression : non seulement on retrouve l'œuvre de Dante, mais en outre, dans la fiction, on lit en effet une œuvre de Dante.
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Le discours interprétatif par identification est possible, mais il est moins un métatexte qu'un hypertexte et moins une reconstruction qu'une invention. Cela n'est pas exactement ce qu'admet Dante réincarné, mais c'est assurément ce qu'a réussi Roberto Gac, interprète de Dante autant que romancier. Donner fictivement la parole à l'auteur sauve l'interprétation d'une folie stérile et fait de la compréhension un art."